MERCREDI C'EST...
Le jour des incursions chez Oxfam.
***
Depuis quelques années, je préfère écouter plutôt que lire les livres surtout quand ils sont lus par leur auteur, comme c'est le cas pour Christian Bobin par exemple. Je suis allée à une rencontre organisée par le 27, rue Jacob la semaine dernière. Imaginez comme on a le coeur qui bat quand, le jour de son anniversaire*, on a l'immense chance de rencontrer l'auteur dont on baiserait presque les pieds tant la lecture de ses mots vous murmure à chaque page, ça valait le coup d'arriver jusque ici. Oui, ça valait le coup, pour Bobin et d'autres intimités. Mais Bobin, j'en ai les yeux qui brillent rien qu'à l'écrire. Une heure à le regarder, à écouter sa voix, sa poésie. Passé la porte de la maison, il s'était écoulé trois rien et l'éternité simultanément. Je rentrais comme remise à neuf, émerveillée, consolée, encore toute étonnée d'avoir eu tant de cadeaux.
Et pour tout vous dire, ou presque, le samedi qui a suivi, je me suis engoufflrée dans le métro et me suis assise pour attendre la rame. Mon voisin m'a demandé une cigarette. Je ne fume plus. Il a eu l'air de le regretter et me voyant avec un livre à la main, il a ajouté :
- ah mais au moins, vous lisez.
Oui, je lisais, Un assassin blanc comme neige. Avant même que j'aie eu le temps de penser à quoi que ce soit,je lui ai dit :
- vous le voulez ? Je vous l'offre.
Je n'en avais lu que les premières pages.
- Lisez-le, vous verrez, c'est très beau.
Ensuite, tout est allé très vite.
Il a répondu qu'il avait de quoi faire au foyer mais il l'a pris quand même.
Je l'ai salué à la hâte et suis montée dans le wagon, orpheline.
Il avait posé le livre sur le siège d'à côté.
J'ai failli regretter mon geste.
Mon geste peut-être mais pas mon élan.
Tant pis, quelqu'un le lirait sûrement et remercierait le hasard de lui avoir mis un trésor pareil dans les mains.
Une heure plus tard, même station en sens inverse. Sur le quai d'en face, le type était toujours là, pas le livre.
Je suis repartie avec l'imagination mise en branle.
L'avait-il mis dans sa poche, donné...
Il était encore temps de passer chez Oxfam.
Je n'ai pas retrouvé mon ouvrage, ni même un autre mais devant moi, il y avait ma dernière trouvaille :
Carnets 1978 d'Albert Cohen.
J'avais encore en mémoire l'écoute de Le livre de ma mère qui m'avait émue aux larmes.
Je suis rentrée à la maison avec mon butin.
Je l'ai ouvert, lu quelques lignes, refermé, rouvert, lu quelques mots, fermé à nouveau. C'est toujours comme ça quand ça parle fort au coeur. Je tourne autour pendant des jours, jusqu'à ce que quelque chose me donne le signal. Et la lecture commence.
J'ai beau aimer Albert Cohen, ce matin, chez Oxfam, je cherchais Bobin et ce petit manège va durer assez longtemps car, pour la première fois de ma vie, j'aime assez un auteur pour avoir envie de lire tout ce qu'il a écrit.
J'ai découvert ces écrivains par hasard, mais comme le hasard n'existe pas, disons que la providence les a mis sur ma route.
J'ai lu Bobin en le confondant avec Bauby dont j'avais lu le livre Le scaphandre et le papillon. On venait d'adapter son histoire au cinéma. C'est tout ce que je peux en dire. Après cette confusion dans mon esprit, je ne sais pas comment regarder l'affiche du film m'a amenée à la bibliothèque. Je n'ai pas l'habitude de relire les livres. Qu'est-ce que je faisais dans le rayon romans, à la lettre B ? Je ne sais pas d'autant que je n'ai pas emprunté de livre classique mais un livre audio, à un autre rayon, La part manquante. C'est toujours comme ça que je fais les plus belles découvertes. Je lis, j'écoute la manière dont ça me parle à l'intérieur, je me laisse guider par un je ne sais quoi et je rentre à la maison sans savoir que c'est une merveille. Pareil pour Albert Cohen et Le livre de ma mère. Le plus extraordinaire dans cette histoire, c'est que j'avais l'habitude, à cette époque, de ramener quantité de documents dont je n'avais ni le temps, ni l'envie réelle de les lire ou de les écouter. Non, en les aérant, je faisais ma culture phsyique. Allez savoir pourquoi, ceux deux là, ont eu un autre traitement.
Et vous, quel est l'auteur dont la rencontre pourrait vous faire dire, qu'il y a un avant et un après ?
* en novembre dernier il n'y avait plus de place
***
Je vous laisse en musique avec Brigitte Fontaine.
Ah que la vie est belle !